Boukou délire

Depuis ma fenêtre …!

La vieille dame porte difficilement son sac à main. Elle bouge avec des pas très hésitants. Elle s’arrête un moment pour regarder la foule, pourquoi ils sont si pressés?  Pas de réponse qui, à priori, satisfait sa curiosité. Elle reprend son chemin en souriant à un petit enfant qui la contemplait ! Peut être elle lui rappelle sa grand mère !

Un autre monsieur s’arrête au même endroit, la cigarette dans une main, il hésite avant de la porter à sa boucher pour tirer un souffle et remplir ses poumons. Son costume gris, datant des années 90, trompe son age, malgré ses efforts pour le cacher. Son gros ventre l’empêche de lire les titres des livres exposés devant lui. Il fait un pas en arrière pour pouvoir les regarder, avant de prendre un, le feuilleter et le remettre ensuite à sa place. Il continue sa route.

Deux filles, étaient là depuis un quart d’heure. Perdues et ne savaient pas lequel des livres choisir. Le vendeur, presque absent, ne fait aucun geste pour les encourager ou les pousser à choisir. Elles discutent entre elles, sourient, tirent deux livres au hasard, deux romans de Yassmina Khadra. Elle réussissent finalement à attirer l’attention du vendeur. Il s’approche d’elles et entame une longue discussion dont j’étais incapable de connaitre le contenu.

Un barbu avec sa femme, s’intéressent aux livres religieux… Pas grand choix apparemment car ils ont quitté le lieu très rapidement.

Les deux filles hésitent encore. Elles ont fini par déposer les deux bouquins et partir avant que le vendeur leur fasse des reproches. il n’était pas très convainquant !

Quelques instants après, une famille s’approche des lieux. deux enfants, une maman et leur grand mère. Je me demande où disparaissent les pères dans ces fins de journées.

Plus personne. Le vendeur regagne son siège déçus par la tournure des négociations. Il devait peut être s’intéresser au contenu des livres qu’il expose.

Les livres sont bien exposés. Classés par auteur et par catégorie. Les best seller sur la première rangée. Les livres chers posés en arrière pour éviter toute main mal intentionnée. Les temps sont durs et les gens sont devenus capables de tout. Même dans un pays ou la lecture devient un lux , voire une pratique rare! 10 minutes par jour selon une étude datant de 2016.

Un jeune s’immobilise devant les livres, un sac à dos noir, un pul gris et la teinte brune. Il cherche quelque chose de précis. Il s’adresse au vendeur et puis revient bredouille. Ce qu’il cherchait n’était pas à vendre ou pas vendu. Difficile d’en juger depuis ma fenêtre.

Encore des va-et-vient, sans concrétiser la moindre vente. Les curieux sont toujours là, mais pas moyen de les faire passer à l’act d’achat. Qu’est ce qui cloche ? L’intérêt des gens ? Les prix pratiqués ? Certes acheter un livre à 100 DHs alors qu’on crève la dalle est  une mission impossible, mais parmi les livres, il y a ceux qui coûtent 20 dhs !

Hallelujah! Finalement il réussit sa première vente de la soirée, trois livres d’un coup ! Comme quoi, il fallait être patient. Un jeune homme repart avec ses livres, content des ses achats. Le visage du vendeur s’illumine avec une expression de soulagement et de confiance. Un deuxième, puis un troisième acte. Finalement, je me trompait. Il n’y a pas que des curieux mais également de vrais acheteurs. Je partage la joie du vendeur et j’en suis tellement fier ! J’ai réussi à me mettre à sa place et ressentir ce qu’il éprouve et de le comprendre… depuis ma fenêtre !

Mon film, commence dans une heure. Attendre ou rentrer à la maison ? I have no idea. Je préfère laisser le temps décider à ma place. J’ai appris à me laisser aller et suivre mon instinct pour pouvoir prendre mon destin en main. Je veux voir le film.

D’autres visiteurs, clients potentiels. Un jeune couple, la main dans la main, le regard rêveur s’arrête un moment. Le choix étant difficile, le monsieur se penche sur un petit livre « Je t’aime à la folie » de Helen Exley, le parcourt rapidement avant de l’offrir à son amoureuse. Celle ci, n’arrivant pas à cacher sa joie, l’embrasse sur la joue. Le vendeur, les regardant de loin, était très satisfait de cette petite réussite. Encore un livre vendu.

Encore un fois, un passage à vide. Plus personne ne s’arrête devant les livres exposés. Un moment de paix pour le vendeur. Il ne bouge pas de sa chaise.

Un garçon et fille déguisés en clown se prenait en photos avec les passants, et attendent en contre partie, qu’on leur offre quelques dirhams. Des clowns de la rue ! Des artistes ? Je suis incapable de les qualifier puisqu’il ne jouent pas un numéro. Jeunesse perdue en attente d’un espoir qui ne viendra peut être jamais.

Dans le coin opposé, un jeune homme joue à la guitare, j’entend redemption song de Bob marley. La voix est écrasée par les bruits de la rue. Mais, les notes sont bien précises. Oh Bob Marley. Je distingue difficilement

Emancipate yourselves from mental slavery
None but ourselves can free our minds
Have no fear for atomic energy
‘Cause none of them can stop the time

Encore trente minutes d’attente. Il fait frais sur cette terrasse, que j’ai préféré appeler depuis le début, fenêtre. Il est temps peut être d’aller chercher mon billet et me trouver une bonne place sur la première rangée en espérant ne pas retrouver mon ami fou furieux : CHOUUUUCH !

Bonne soirée !

 

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