Boukou délire

Eid Moubarak Said !

Il n’est pas le seul à ne pas célébrer ce jour sacré ! Cela n’arrive pas qu’aux autres. Il prend sa voiture pour faire sa tournée classique. Il a préféré errer dans les ruelles et respirer l’air rempli de charbon et de l’odeur des têtes brulées.

Assis sur un banc, il garde la grande maison vide. Sa tenue blanche, très propre, témoigne de son envie de fêter la journée à sa façon. Il a le regard triste, vide et fixé vers l’horizon. Pourquoi doit-il être forcé à travailler alors que tout le monde fait la fête ? Pour garder cette grande maison vide de vie et de sens ! Après tout, ce n’est qu’une journée … comme les autres

Regroupés autour d’un feu où les flammes brulent les têtes et les des moutons . Ils font bouger machinalement les têtes, ils parlent forts, et chacun donne l’ordre aux autres d’aller chercher d’autres clients… Les plus jeunes s’exécutent. Ils ont passé la soirée à chercher des morceaux de bois, des meubles inutilisables et même quelques arbres pour préparer le feu. Chaque branche brulée doit être rentabilisée. Aucune trêve n’est permise. Les têtes se mélangent, les pieds aussi… On s’en fout. Après tout, ce n’est qu’une journée pour gagner le maximum d’argent.

Il tire sa charrette, il frappe les portes et trace sa route à travers les ruelles. Les peaux des moutons ne sont plus utilisables à présent. Il faudra donc en ramasser le maximum. « Hidoura, Hidoura… » Avec ces mots, il commence à perdre la voix. Sa charrette est presque remplie. Il a le regard fatigué, le visage noirci par le soleil, les mains tremblantes et les mollets tendus par l’effort fournis. Mais il continue, sa course contre la montre… Après tout, ce n’est pas une journée comme les autres…

Les sacs de poubelles sont déposés n’importe comment, les poubelles publiques sont pleins à craquer. C’est une journée, où les chats se cachent pour laisser exploser les décharges publiques. Ils sont quatre à faire le tour des poubelles, de ramasser les sacs et brancher, à tour de rôle, les poubelles aux bras mécanique du camion afin de les vider.
Un travail de titans au vue de la quantité des déchets. Ils s’acharnent à trois pour faire bouger chaque poubelle et pour remettre les sacs, tombés par terre, au fond du camion . Les gestes sont rapides et précis… Après tout, c’est une journée où le travail est interminable …

Il dort sur un carton posé par terre sur le coin de la rue. Le soleil tape fort, mais à l’heure qu’il est, il n’a pas envie de se lever. Il est bien, là ou il est, sous sa couverture déchirée. La fête est pour les autres. Son visage fatigué reflète la misère et des années d’errance. Il a fallu attendre plus de dix minutes pour qu’il fasse un signe de vie. Il se lève, cherche dans ses poches trouées et en sort un mégot de cigarette. Il l’allume, et s’amuse à retirer deux bouffées de nicotine. Un sourire de plaisir se trace sur figure… Après tout, c’est une journée où il vaut mieux tout oublier !

Habillée d’une vieille Djellaba. Elle traine dernière elle un gosse de sept ans. Les pas rapides, elle se dirigent vers une maison, frappe la porte et demande une « sadaka ». Un homme, tiré à quatre épingles, ouvre la porte. Le regard hautin, la dévisage avant de lui dire « Allah ysahel ».
Elle se retire, sans pouvoir avaler la réponse et tente sa chance à nouveau dans une autre maison. Le gosse, s’arroche à sa mère, il suit la scène sans prononcer un traitre mot… Après tout, c’est une journée pour les autres…

Ils sont bien installés dans leur hôtel. Egorger le mouton est un acte atroce. Le sang, l’odeur, le bruit… Ils ne supportent plus cette cérémonie. Ils préfèrent donc passer la journée ailleurs, dans un hôtel, où ils peuvent goûter au mouton sans y toucher. Nouvelles traditions et changement de société … Après tout, c’est une journée pour ceux qui y croient …

Cela n’arrive pas qu’aux autres… Il rentre donc chez lui … Après tout, c’est une journée pour écrire !

Eid Moubarak Said.

Un commentaire

  • Noone

    Séquencement logique, plusieurs perspectives exposées et beaucoup de messages transmis.
    Joli Billet !
    Quand on écrit pas sur Soi , tout parait ordonné ailleurs!
    Le bazar est au fond de Soi, pas à l’extérieur.

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