Boukou délire

Retraite !

Sous le voile de la nuit, les conseils semblent émerger. Parfois, cependant, la nuit ne fait que semer l’insomnie et égarer les pensées dans les ténèbres du plafond obscur. Étendu sur le lit, le regard perdu dans le néant céleste, à la recherche d’un brin de repos… Il s’identifie comme un artiste, mais ne dit-on pas que l’art est enfant de la souffrance ? Ne doit-il pas puiser au plus profond de lui-même pour créer ? Doit-il toujours plaire ? Ce n’est pas certain, car son œuvre ne trouvera pas nécessairement l’assentiment de tous.

Donner, c’est recevoir, et pourtant il répète des expressions toutes faites. Le concept de « plaire » le fatigue. Les années ont courbé son dos sous le poids du temps et de la gravité, et les récits profonds enfermés au plus profond de son âme le pèsent. Peut-être est-ce la marque déformante de sa profession.

Il a été attentif, silencieux et observateur toute sa vie, écoutant des histoires absurdes, parfois inimaginables, mais pourtant vraies… Une vérité pure et amère. Après plus de 35 années de dévouement, enfin, un jour de repos. Ses collègues ont envisagé une célébration de départ, mais il a repoussé cette idée. Un simple service de thé pour marquer trois décennies et demie de service. L’absurdité du monde ! Il avait envisagé de préparer sa nouvelle vie de retraité depuis quelques années, mais en vain. Accepter qu’il n’aurait plus de tâches à accomplir était un défi de taille.

« Il faut cultiver une passion dans la vie pour faciliter la transition », se souvient-il d’une vieille conversation où un collègue avait prononcé ces mots. Pourquoi cette phrase lui revient-elle à l’esprit maintenant ? Peut-être parce qu’à l’époque, il ne l’avait pas prise au sérieux.

Le soleil s’est levé comme d’habitude, inondant la terre de sa lumière et offrant des salutations à tout ce qu’il touche. Mais aujourd’hui, il ne l’accompagnera pas jusqu’au travail. Peut-être même ne le verra-t-il pas, si son état d’immobilité persiste.

La passion pour les livres, qui était autrefois sa flamme intérieure, s’est transformée en douleur à mesure que ses yeux se fatiguent plus vite. Et puis, qui lit encore des livres de nos jours ? Peut-être est-il temps de relever de nouveaux défis.

L’avenir s’étend devant lui, sans bureau, sans pauses-café, sans réunions simulées où l’on feint de travailler. Elon Musk a raison d’éliminer les réunions sans but précis, une dépense d’énergie et un acte social inutile pour les entreprises. Oh, comme il détestait ces heures perdues dans des discussions stériles, où chacun répétait ce qui avait déjà été dit et où personne n’osait trancher.

Il se lève doucement de son lit, pose son regard sur son dressing, où ses costumes, chemises, chaussures, cravates, montres et boutons de manchette sont méticuleusement arrangés par couleur et motif, pour faciliter le choix élégant et matinal. Mais que faire de tout cela désormais ? Être impeccablement vêtu ne semble plus avoir de sens. Il se r’allonge sur le lit, laissant les pensées défiler, allume la radio diffusant une ancienne chanson de Kadim Al Saher, « Sabahak Sukar » كاظم الساهر – صباحك سكر… Aujourd’hui, c’est journée libre ! Vivement la retraite.

Texte écrit en écoutant le moreau suivant :

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