La sieste de van gogh
Boukou délire

Dans la gueule du loup !

La fête s’annonce bientôt.

Le ciel est sombre en ce mois de juin. Le soleil se dérobe derrière un rideau épais de nuage qui empêche toute envie de joie. Cette atmosphère pesante le met mal à l’aise et lui énerve les sangs !

Il regrette tout de suite d’avoir choisi un costume cravate pour affronter son rendez-vous. La salle d’attente sans air conditionné le fait transpirer et le rend plus anxieux. Il a répété son discours toute la nuit, en essayant d’anticiper les questions possibles et les réponses adaptées. Il est venu avec quinze minutes d’avance pour faire bonne impression et il s’est étonné de trouver cette salle sinistre complètement vide. Il fouille dans son sac à dos pour se trouver une bouteille d’eau et apaiser sa gorge sèche, mais il constate avec horreur qu’elle est vide. Un problème de plus !

La pièce est exiguë, des journaux et des magazines sont abandonnés sur la table basse qui lui fait face. Une réplique de la Sieste de Van Gogh dépare le mur, témoignant du manque de goût du décorateur. Quelques chaises en bois usées sont disposées sans ordre autour de la table. Il s’est affalé sur la première venue, craignant qu’elle ne se brise sous son poids. Le tableau lui-même est encadré par une lourde bordure en bois sculpté qui jure avec les couleurs estivales de la copie.

Le temps s’écoule comme du miel ! Son cœur palpite dans le silence oppressant de la pièce. Il jette un coup d’œil au bureau de la secrétaire mal habillée qui l’a accueilli et conduit dans cette salle. Elle avait l’air d’avoir dormi sur le clavier et de détester la compagnie humaine. Pas la peine de lui demander quoi que ce soit ! Il regarde sa montre, et se dit qu’il va patienter encore les dix minutes qui le séparent de son rendez-vous avant de lui adresser la parole. Quelques gouttes de sueur glissent lentement sur sa nuque, il fouille dans ses poches à la recherche d’un mouchoir en papier pour les éponger tout en fixant le tableau. Il rêve d’être à la place des deux personnages du tableau, plongés dans un sommeil tranquille !

Dans ce décor lugubre, le temps semble s’étirer à l’infini. Il attrape un magazine people sur la table et constate qu’il date d’un autre siècle. Des acteurs inconnus au bataillon, des célébrités qui ont rejoint les étoiles depuis longtemps. Il repose le magazine et se met à répéter mentalement son discours pour le rendez-vous. Par quel bout attaquer ? doit-il employer un ton formel ou tenter de briser la glace ? Il avait accepté ce rendez-vous, le premier jour, sans trop y croire, mais plus le temps avançait, plus il se sentait nerveux et il a fini par passer une nuit blanche à préparer ses arguments.

La vieille secrétaire mal habillée quitte son siège, le regarde d’un air absent, et lui indique de la suivre. Elle pousse une porte délabrée au bout d’un couloir, émet un petit grognement imperceptible avant de le laisser entrer. À la dernière seconde, il voit ses lèvres abîmées par le temps se tordre en un sourire cruel. Il se demande où il est tombé, mais il n’a plus le choix ! Il est jeté dans la gueule du loup.

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